3. Le réseau anthropique de l’eau

Pour la suite des activités avec nos élèves, attardons-nous maintenant sur le réseau anthropique de l’eau.

Nous avons énoncé précédemment comment le cycle naturel de l’eau est une fausse facilité.

Plus de 80 études issues de collaborations internationales (Etats-Unis, France, Royaume-Uni) arrivent au même bilan : la majorité des schéma sur le cycle de l’eau nie notre impact et notre dépendance envers l’eau (UdR, OSUR, 2019).

« Si la représentation du cycle de l’eau est fausse, il est difficile ensuite pour les décideurs et les citoyens de se rendre compte des enjeux et des problèmes que la ressource en eau peut générer ».

Gilles Pinay, ancien directeur de l’Observatoire des Sciences de l’Univers de Rennes.

Lorsque nous observons en détail le schéma classique du cycle “naturel” de l’eau, des incohérences apparaissent : parlons-nous d’eau salée (les océans) ou d’eau potable ? À quel moment s’opère la transition entre les deux ? Et pourquoi cette différenciation ne serait-elle pas importante pour les élèves ?

Pourquoi l’impact humain est-il essentiel ?

D’accord, se rendre compte de l’impact humain est important. Et après ?

En réalité, cela permet de répondre à deux grands défis actuels : la crise climatique et l’enjeu de la gestion de l’eau potable. Mais quel lien existe-t-il entre les deux ?

Le lien ne semble pas instinctif entre “crise climatique” et eau potable. Et pour cause : en quoi la modification à long-terme de notre météo affecterait-elle l’eau que nous consommons ?

Cela devient plus clair lorsque nous pensons aux sécheresses vécues de plus en plus régulièrement durant les étés. Cet été (2022), l’Europe a vécu un record absolu en termes de températures, créant une vague de feux de forêt en France, Espagne et Portugal; avec des températures avoisinant les 44°C.

Des pompiers tentent de contenir un incendie à Guillos, le 16 juillet 2022. REUTERS/Sarah Meyssonnier ©

Ce phénomène est malheureusement un excellent exemple des conséquences du réchauffement climatique ; les canicules rendant l’accès de plus en plus difficile à l’eau potable. Nos réserves souterraines en eau (62% de notre eau potable ; le reste étant des eaux de surface) sont donc mises à rude épreuve. D’autres conséquences du réchauffement affectent également nos ressources, nous en parlons plus en détail dans notre rappel théorique.

L’augmentation de la population, l’agriculture et l’élevage intensif qui sont des grands consommateurs d’eau potable, l’industrialisation toujours plus galopante, etc. sont des activités humaines qui remettent en cause le mauvais usage et la gestion de cette eau pourtant si précieuse. Et qui se raréfie davantage avec le réchauffement climatique.

Établir un “cycle” de l’eau permettant de parler d’emblée de l’impact humain apparaît alors essentiel pour que nos élèves puissent prendre conscience de ces problématiques.

En tant qu’enseignant.e, sur quelle représentation se baser ? Des chercheurs (Abbott & al., 2019) se sont attelés à cette question. Nous suivrons donc leurs recommandations. Ils attirent notre attention sur trois points :

a) La répartition de l’eau dans le circuit de l’eau
b) Comment se déplacent les flux
c) Les perturbateurs du cycle



Construire le réseau anthropique de l’eau


1. Comparer le cycle de l’eau avec de nouvelles informations

Précédemment, les élèves ont établi un cycle de l’eau, à la fois en partant de leurs observations (selon vos moyens : du Home-Potager, du potager, de la cour, …) ainsi qu’en s’aidant d’expériences scientifiques et de vidéos explicatives.

Phénomène de sécheresse et de baisse de débit des eaux.

Si le cycle de l’eau est parfait et continu,
comment pouvons-nous avoir ces phénomènes ?

En reprenant le cycle de l’eau qui a été construit en classe, nous allons confronter cela avec des faits d’actualité qui décrivent le manque d’eau potable.

Cette vidéo pose plusieurs questions, qui permet d’amener la notion d’eau potable/non potable :

  • Si l’eau fait un cycle, comment peut-on manquer d’eau potable ?
  • D’où vient l’eau potable ? Où est-elle située dans le cycle ?

2. D’où vient l’eau potable ?

Pour répondre à cette question, les élèves répondent par un schéma à la question : D’où vient l’eau du robinet ?

Voici les explications données par les élèves :

L’eau potable semble provenir de la mer.

Avant d’arriver au robinet, l’eau semble subir un traitement.

Il semble qu’il faut que l’eau soit distribuée avant de pouvoir parvenir aux maisons.

Dans la quasi-totalité des schémas des élèves, nous retrouvons donc l’idée que l’eau doit subir un traitement.

Les schémas sont analysés avec l’ensemble de la classe pour arriver à la conclusion qu’il existe des structures qui permettent de filtrer et de purifier l’eau pour qu’elle devienne potable: les stations d’épuration.

Pour “fixer” ces découvertes, l’excellent documentaire réalisée par la société wallone des eaux permet d’expliquer brièvement le traitement des eaux.

Si cela est possible pour votre classe, nous vous conseillons de vous rendre sur le terrain et de visiter une station d’épuration avec vos élèves !

Il nous faut maintenant pouvoir créer un lien entre cette gestion humaine de l’eau et le cycle vu précédemment!

3. Lier le cycle naturel de l’eau avec le réseau anthropique de l’eau

Sur base du schéma commun fait par la classe sur le cycle naturel de l’eau, l’enseignant.e ajoute un nouvel élément pour symboliser l’intervention humaine : une bouche d’égout.

En prenant en compte leurs connaissances sur l’eau potable et son traitement, les élèves sont maintenant amenés à créer une “annexe” à ce schéma. Pour les aider, il est demandé aux élèves de répondre à cette question :

Où va l’eau qui tombe dans l’égout sur le schéma créé pour le cycle naturel de l’eau ?

De nouveau, même lorsqu’il s’agit de l’intervention de l’homme, l’idée d’un cycle est très présente, de la même manière que le cycle naturel de l’eau semble parfait.

En effet, le cycle de l’eau est souvent accompagné de flèche pour chaque étape, ce qui contribue à cette idée que le cycle est inaltérable et déjà complet. Pourtant, nous l’avons vu : il existe des déséquilibres. Pour pallier cet effet, au lieu de supprimer les flèches, vous pouvez aussi enjoindre vos élèves à dessiner des flèches plus ou moins grandes; afin de rendre compte d’un bilan négatif (ou positif) sur un réservoir donné. 

Pour beaucoup d’élèves, l’eau des égouts se dirige alors vers une station d’épuration, qui permet de rendre à nouveau l’eau disponible pour être placée dans un château d’eau, qui est ensuite redistribuée, etc.

Pour beaucoup d’élèves, l’eau des égouts se dirige alors vers une station d’épuration, qui permet de rendre à nouveau l’eau disponible pour être placée dans un château d’eau, qui est ensuite redistribuée, etc.

En réalité, notre eau potable ne provient jamais des stations d’épuration (voir notre rappel théorique)! Les eaux usées sont simplement assez filtrées que pour pouvoir être relâchées dans la nature environnante généralement sans trop d’effet néfaste sur celle-ci. L’eau que nous consommons provient essentiellement de nappes phréatiques (85% de notre apport). Les 15% restants proviennent d’eau de surface (rivière, fleuve, barrage, etc.).



Pour faire face à l’appauvrissement grandissant de nos ressources en eaux potables, certaines régions se tournent vers des stations de désalinisation. Un processus coûteux qui permet de transformer l’eau de mer en eau potable, mais non sans effets négatifs pour l’environnement !

En classe, les schémas sont analysés collectivement, afin de pouvoir relever les idées les plus pertinentes. Sur base de ceux-ci, les élèves reconstituent oralement le chemin fait par l’eau en passant par les égouts.  

Nous avons testé ce dispositif dans plusieurs classes, un exemple :

Cycle de l’eau établi par la classe en milieu de séquence.
Les élèves complètent le cycle de l’eau, prenant en compte de réseau anthropique.

Pour aller plus loin et mieux construire cette partie anthropique, nous vous suggérons quelques activités dans la partie suivante !