Histoire des Sciences : mais où sont les femmes ?  

Nous pourrions ici mettre quelques femmes scientifiques à l’honneur. Cependant, cela ne pourra jamais rendre compte de tant d’astronomes, mathématiciennes, physiciennes, … qui ont vu leurs découvertes ou leurs contributions invisibilisées ; voir appropriées. Pourtant, si les Sciences sont telles que nous les connaissons aujourd’hui, c’est bien grâce au travail de maintes mains dans l’ombre. 

Jetons donc un peu de lumière.


Tu ne philosopheras point

Si certaines civilisations antiques, comme les étrusques, sont plus laxistes envers les femmes, ce n’est pas le consensus existant en Europe au début de notre ère. La place de la femme durant l’Antiquité romaine et grecque, est celle qui est confinée au sein de la domus. En dehors de ce cadre bien délimité, la femme romaine ne peut espérer participer à la vie politique de la cité, ni encore moins être “citoyenne” de cette dernière. Elle se doit cependant d’être lettrée et doit pouvoir tenir la conversation. Et la société romaine gagne tout en nuance lorsque l’on sait que dans toute école de philosophie se trouvaient des femmes (Koch, 2017). L’enseignement des mathématiques, astronomie, histoire de la philosophie, … était indifférencié selon le genre.

Au fil du temps, parmi elles, certaines philosophes acquièrent un statut privilégié … mais à quel prix ? Hypathie d’Alexandrie naît au IVème siècle PCN dans un contexte favorisé, économiquement et socialement. Fille du Directeur de la bibliothèque d’Alexandrie, elle fait partie des femmes philosophes de son temps : mathématicienne, astronome, écrivaine, … Hypathie deviendra à son tour une enseignante d’une grande renommée. Pourtant, une ombre : ce qui n’était qu’une secte quelques siècles auparavant gagne en influence. Le christianisme et la bigoterie qu’on lui connaît ; renforçant des stéréotypes de genre déjà bien prégnant à l’époque. L’évêque de la cité ne voit pas d’un bon oeil une femme ayant tant de connaissances payennes, d’autant plus une femme qui, par sa renommée, gagne une influence politique certaine. En effet, parmi les élèves d’Hypathie, plusieurs hommes de la cité aux noms influents, qui suivent ses bons conseils… L’évêque prendra donc les mesures appropriées.

Au retour d’un de ses cours, Hypathie sera traînée à travers la cité et sommée de renoncer à la Philosophie au profit de la chrétienté. Pour son refus, elle sera découpée et ses restes brûlés.

Vies des savants illustres, depuis l’Antiquité jusqu’au dix-neuvième siècle par Louis Figuier (1866).

Le terme “sorcière”, applicable à toute femme de sciences, n’est pas loin d’être prononcé …


Les petites mains du Harem


Nous pourrions citer d’innombrables femmes qui, à travers les différentes périodes de l’Histoire, ont travaillé dans l’ombre avec pour seul substrat la volonté d’apprendre et l’amour des Sciences. Caroline Herschel, Sophie Brahe, Mary Somerville, Caroline Shoemaker, …

Nous parlons ici d’individus, mais qu’en est-il de toutes ces femmes dont nous ne connaîtrons jamais les contributions ?

Sophie Brahe, astronome et chimiste du 16ème siècle, dont le recensement des étoiles et comètes permit à Kepler d’élaborer la théorie de l’héliocentrisme.

En effet, durant la période des Lumières et les grandes découvertes en Astronomie, les calculs des trajectoires des astres sont de plus en plus nombreux et se complexifient. Un travail dont personne ne veut, vu sa nature ennuyante. Chez les bonnes familles, on trouve alors une main d’œuvre lettrée et surtout, corvéable à merci : les femmes.

À la fois victime de stéréotypes et les défrayants, ces femmes sans noms deviennent alors « les calculatrices ». Au 19ème siècle, le phénomène devient si courant dans le monde scientifique qu’il est conseillé à tout grand chercheur astronome, botaniste, etc. de posséder son Harem de « calculatrices » (qui en réalité observent et découvrent également de nouveaux astres); dont, bien sûr, le dirigeant s’appropriera les découvertes.

Edward Pickering, entouré de son Harem de « calculatrices », 1881. Une manière pour l’Université d’Harvard de réaliser de grosses économies, les salaires des femmes étant plus bas que ceux des hommes. Une réalité économique encore de vécue aujourd’hui.

Payée au même titre qu’un ouvrier, difficile de faire valoir ses propres découvertes. Cette minimisation de la contribution scientifique porte un nom : L’effet Mathilda.

Intégrer ou inclure ?

Nous voici donc avec un peu plus de lumière sur ces parties d’Histoire, certes. Pourtant, même si la liste des femmes scientifiques reconnues s’allonge, et même en imaginant qu’un jour toute la lumière soit faite sur cette invisibilité, ceci ne saurait être suffisant. L’idéal à poursuivre serait d’inclure directement les femmes scientifiques dans nos manuels scolaires, ainsi que dans nos contenus didactiques. En effet, cette présentation « met en avant », mais elle reste un contenu didactique séparé… Est-il alors vraiment question d’inclusion ?

L’intégration, pense à intégrer l’individu dans un système déjà bien en place. L’inclusion, elle, pense le système en fonction de l’individu que l’on souhaite inclure; ce qui sous-tend des changements évidemment bien plus profonds. L’espoir est permis d’avoir l’opportunité de travailler à la deuxième durant ces prochaines années. 

Pour aller plus loin & Bibliographie

KOCH Isabelle, « Les femmes philosophes dans l’Antiquité », L’Enseignement philosophique, 2017/3 (67e Année), p. 73-79. DOI : 10.3917/eph.673.0073. URL : https://www.cairn.info/revue-l-enseignement-philosophique-2017-3-page-73.htm

NAZË Yaelle, L’astronomie au féminin. 2008.

Ropert Pierre, « L’effet Matilda, ou les découvertes oubliées des femmes scientifiques ». URL : https://www.radiofrance.fr/franceculture/l-effet-matilda-ou-les-decouvertes-oubliees-des-femmes-scientifiques-8985965

Pour citer cette page : Vermeulen, V. (2022). Histoire des Sciences : mais où sont les femmes ?